Les médias parlent toujours de femmes victimes de leurs maris pervers narcissiques, jamais de l’inverse. Or les femmes aussi peuvent être perverses
« Des années se sont écoulées avant que je me décide à quitter Nathalie*, raconte Bruno*, la voix tenaillée par l’émotion. Six ans, exactement. J’étais sous emprise mais, à l’époque, je ne m’en rendais pas compte. J’ai fini par divorcer, en 2010. Aujourd’hui, j’ai 56 ans, je me suis reconstruit. Pourtant, évoquer cette histoire reste très douloureux pour moi. C’est ma femme actuelle qui m’a poussé à témoigner. Au départ, je n’étais pas très chaud pour revenir sur cette période de ma vie.
Pourquoi je m’y suis résolu, alors? Parce que les médias parlent toujours de femmes victimes de leurs maris pervers narcissiques, jamais de l’inverse. Or les femmes aussi peuvent être perverses, je suis bien placé pour le savoir. Les dégâts sont aussi importants mais personne ne s’en aperçoit, car les hommes qui subissent une manipulatrice ont tendance à minimiser leur souffrance. Ils craignent de passer pour faibles.
Avec le recul, je comprends que j’ai été, pour Nathalie, une proie facile. Je sortais d’un premier divorce compliqué, je ne parvenais plus à voir mes deux enfants, je me sentais très seul. Je rêvais de recréer la famille que je venais de perdre. Je suis kiné, Nathalie aussi, nous nous sommes croisés dans le cadre du travail puis inscrits dans le même club de danse de salon. On y dansait le rock, la salsa, on participait ensemble à des stages.
Une grande attirance au départ
Dès le départ, il y a eu une grande attirance entre nous, une relation passionnelle. Au sein du club, Nathalie se montrait très vivante, enthousiaste, elle riait beaucoup, elle attirait les autres. Elle avait déjà un enfant, elle en voulait un autre. Elle cherchait un compagnon carré, la stabilité. J’étais plus âgé qu’elle -nous avons neuf ans d’écart- et je représentais la sécurité, avec de bons revenus. Nous nous sommes mariés deux ans plus tard, en 2000. Notre fils est né l’année suivante.
A l’extérieur, Nathalie continuait à se montrer charmante. A la maison, elle s’est rapidement transformée en harpie. J’avais droit aux pires grossièretés, mais toujours en privé. ‘T’as peur de perdre tes couilles, c’est ça?’ me disait-elle. Elle m’attaquait sur ma virilité, sur mon physique, en particulier sur mon poids. Quels que soient mes efforts, je n’étais jamais assez svelte. Le moindre défaut lui servait de prétexte pour me rabaisser. A cause d’un accident de voiture, j’ai une jambe légèrement plus longue que l’autre. Elle ne manquait pas de le souligner dès que l’occasion se présentait. Regarde comme tu boîtes, qu’est ce que tu danses mal, disait-elle. Et ça m’atteignait, bien sûr.
D’accusateur, je suis devenu l’accusé
Puis elle a multiplié les aventures. Et j’ai entamé ma descente aux enfers. Je suis tombé, un jour, sur des courriers envoyés par un autre homme. Leur contenu était chaud. J’ai demandé des explications à Nathalie. Elle a commencé par me dire que je me faisais des idées, qu’elle n’avait pas de liaison. Mais comme je n’étais pas dupe, elle a changé de tactique et d’accusateur, je suis devenu l’accusé. ‘De quoi tu te mêles’, a-t-elle crié, ‘qui t’a permis de lire mon courrier?’ J’étais un ignoble inquisiteur, tandis qu’elle n’avait rien à se reprocher.
Elle a poursuivi sa relation avec cet homme, ne m’épargnant aucun détail, en particulier les plus croustillants. C’était la pire des humiliations. Je l’acceptais, parce que j’avais peur, alors, de perdre Nathalie. Elle utilisait aussi l’arme fatale des pervers narcissiques, l’injonction contradictoire. ‘Si tu veux rester avec moi’, avait-elle déclaré, ‘il faut que tu acceptes que j’aie des amants et que je sorte sans toi’. Et aussitôt après, elle avait ajouté: ‘Mais si tu tolères une situation pareille, alors tu n’as aucune dignité, tu n’es pas un homme’… Quoi que je fasse, j’étais piégé. Si je refusais qu’elle mène une double vie, elle allait me quitter. Et si je l’acceptais, elle allait me mépriser, à ses yeux je serais un moins que rien. Ca a manqué me rendre fou.
Nathalie s’organisait pour ne pas travailler beaucoup et dépensait énormément, d’une façon compulsive. Pour les vacances, la France n’était pas une destination acceptable, il fallait partir à l’étranger. Nous avions déjà une maison, il lui en a fallu une deuxième. Même chose pour le cabinet. Chaque fois, je devais me porter caution pour ses investissements personnels. Elle pratiquait l’équitation, nous avons eu jusqu’à trois chevaux en pension, deux dans des haras, un en compétition. Nous nous retrouvions fréquemment avec des découverts sur le compte commun, tandis que mon compte personnel passait dans le rouge.
Un ami m’a ouvert les yeux
Mes amis ne l’intéressaient pas, ma famille non plus. Elle me reprochait de passer trop de temps avec mes soeurs. Il fallait rester uniquement avec sa bande de copains, celle du club de danse. Heureusement, j’ai réussi à garder quelques bons amis, dont Philippe*. J’étais son témoin de mariage, nous avons le même goût pour les textes de philosophie, la même sensibilité. C’est Philippe qui m’a ouvert les yeux. Je n’ai pas oublié l’expression qu’il a utilisée -vous pouvez deviner qu’il travaille dans l’informatique: ‘Tu ne peux pas toujours te ‘reprogrammer’ en fonction de Nathalie’, m’a-t-il dit. ‘Tu dois tenir compte de tes propres besoins, de tes désirs’. Il m’a fait remarquer qu’à chaque crise, je m’attribuais tous les torts. Philippe avait raison, je me remettais toujours en cause sans jamais la critiquer, elle. ‘Tu ne peux pas chaque fois être le fautif’, m’a-t-il dit. C’était une remarque de bon sens, n’est ce pas? Et bien jusque là, ça ne m’avait pas frappé.
Durant cette période, j’ai pris des médicaments homéopathiques que je connaissais bien, car je m’intéresse de longue date aux médecines alternatives -j’exerce aussi comme ostéopathe. Et puis des anxiolytiques, car je n’arrivais plus à dormir et j’avais peur de perdre pied. Ensuite, j’ai consulté un psychologue. Je voulais comprendre pourquoi je me sentais toujours coupable en cas de conflit avec Nathalie. J’ai eu recours à la Gestalt thérapie, basée sur l’expression des émotions. Plus tard, j’ai entamé une analyse avec un psychanalyste, que j’ai arrêtée et reprise plusieurs fois. Tout, plutôt qu’une séparation. Je résistais, je voulais tenir, pour protéger mon fils. Je redoutais de perdre sa garde en cas de rupture. Cette idée m’était insupportable. Je me devais d’être là pour lui et d’ailleurs, je n’ai jamais eu la tentation du suicide.
Une maladie de peau pendant trois ans
Mon corps, par contre, a lâché. J’ai eu des problèmes de genou et de chevilles à répétition. J’étais épuisé, avec tous les symptômes du burn-out. J’ai même développé une sorte d’eczéma géant, un psoriasis, ça me démangeait des pieds à la tête, j’avais les mains en sang. J’ai traîné cette maladie de peau pendant trois ans. Les plaques ont disparu quand j’ai échappé à Nathalie et renoué, enfin, avec moi-même. Mais n’anticipons pas.
Au bout de cinq ans de mariage, j’ai pris la décision de ne plus l’accompagner ni au club de danse, ni en boîte de nuit. Je ne souhaitais plus être témoin de ses incartades. Je voulais me respecter. Alors je restais à la maison, avec sa fille et notre fils, pendant qu’elle sortait. En fait, elle rejoignait un homme qu’elle avait rencontré un an plus tôt, dans un stage de formation en psychologie. Au fil des mois, j’ai fini par comprendre que cette histoire était plus sérieuse que ses aventures précédentes. Alors j’ai posé un ultimatum: tu m’as trompé, je passe l’éponge, maintenant tu ne revois plus ce garçon.
Le résultat? Elle a fait la java de plus belle, pour me montrer qu’elle n’avait aucun compte à me rendre. Elle n’a pas non plus rompu. J’en ai eu la preuve un soir où je bouquinais dans le salon. Il était tard, j’étais insomniaque à ce moment là, l’iPhone de Nathalie était resté là, à portée de main. Un texto s’est affiché sur l’écran, il venait de cet homme, je l’ai lu. Le doute n’était plus permis. Le lendemain, je lui ai dit c’est terminé, on se sépare.
Elle m’a frappé
Elle n’a pas essayé de me retenir, j’étais déjà remplacé. Dans ma grande naïveté, j’étais loin d’imaginer qu’elle avait carrément anticipé la rupture et planifié sa stratégie en secret, depuis des mois, pour obtenir un divorce à son avantage… Jugez un peu. Un jour, j’ai insisté pour que Nathalie participe aux frais de la maison tant que le divorce n’était pas prononcé. Elle a refusé. Le ton est monté, elle s’est mise à vociférer et j’ai vociféré à mon tour. Mon psychologue m’avait prévenu, la violence allait encore monter d’un cran, dès lors que la séparation était enclenchée. Ce déchaînement est propre aux pervers narcissiques. Pour la première fois, elle m’a frappé. J’ai reçu un coup de poing dans le dos, si fort qu’il m’a déplacé les côtes.
Là, je suis sorti de mes gonds. Je n’étais plus moi-même. Je n’aime pas les cris, je n’ai jamais brutalisé ma première épouse, ni ma femme actuelle. Pourtant, en ce jour de 2007, j’ai attrapé Nathalie par les mains, j’ai ouvert la porte de la maison et je l’ai mis dehors, de force. Elle est allée porter plainte contre moi au commissariat pour coups et blessures. Puis elle s’est rendue à l’hôpital pour qu’un médecin constate ses ecchymoses au bras et à la fesse. Pendant ce temps, le commissariat m’a téléphoné pour me demander des explications. Et j’ai appris, de la bouche du policier, que Nathalie avait déjà rédigé plusieurs mains courantes pour des violences physiques et psychologiques. La plus ancienne remontait à huit mois. J’étais abasourdi. J’ai expliqué que ses accusations étaient mensongères, alors le policier m’a répondu que c’était à moi de prouver que je ne l’avais pas frappée.
Les pervers narcissiques excellent à inverser les rôles et à se faire passer pour les victimes, notamment devant la justice. Au tribunal, dans la grande ville de province où j’habite toujours, la juge chargée de statuer sur notre divorce s’est laissé piéger par les apparences. Nathalie gardait son calme, tandis que j’étais anxieux, nerveux. La magistrate m’a pris pour le violent de l’histoire. Vers la fin de la procédure, pourtant, elle a compris son erreur. Elle a révisé à la baisse la pension alimentaire de 400 euros qu’elle avait accordée à Nathalie pour l’enfant. De 10 euros seulement, un montant purement symbolique. C’était sa façon de montrer qu’elle voyait désormais clair dans son jeu. J’ai échappé, de peu, à la prestation compensatoire. Nathalie a été déboutée de sa demande.
Elle rabaisse notre fils
J’ai vécu ce divorce comme une véritable épreuve. Il a fallu six audiences avant que le jugement soit finalement prononcé, en 2011. Heureusement que nous nous étions mariés sous le régime de la séparation de biens. J’ai pu garder ma maison, et Nathalie, l’autre. Elle a obtenu la garde de notre fils. Comme elle s’est s’installée dans une autre ville, à 600 kilomètres d’ici, j’ai préféré limiter les déplacements pour le petit. Je le prends un week-end par mois et la majorité des vacances.
Ce qui me peine, aujourd’hui, c’est qu’elle continue à le rabaisser. Récemment, elle a décrété qu’il était trop gros. Elle a mesuré son tour de taille, il aurait soit disant pris 3 cm de graisse au niveau du ventre. Alors qu’il est sportif, il joue au tennis, il est tout fin! J’avais peur qu’il se tracasse, alors j’ai cherché une solution pour le rassurer. C’est décidé, je vais l’emmener chez un spécialiste, un endocrinologue. Quand un médecin lui aura dit qu’il n’a pas de problème de poids, il le croira. Et sa mère ne pourra plus le tourmenter avec ça.
Deux ans après le divorce, le harcèlement continue
Je constate que Nathalie saisit toutes les occasions pour créer des problèmes. Les dates auxquelles je prends mon fils, les horaires, tout prête à discussion. Elle me dit: ‘Tu viens chercher le gosse samedi à 14h. Je m’organise en conséquence.’ Puis elle me rappelle: ‘Tu ne peux pas le prendre à 14h, sinon il n’aura pas le temps de voir sa marraine. Alors je change à nouveau mes plans…’ Mais je connais mes droits et je sais les faire respecter. Quand mon fils fréquentait encore l’école primaire, Nathalie était allée raconter des histoires sur mon compte au directeur. Elle lui a sans doute servi la fable de l’homme violent, qui bat ses enfants quand ils reviennent avec des mauvaises notes. Il refusait de me transmettre les bulletins de mon fils. J’ai été obligé de monter jusqu’à l’inspecteur d’académie pour les obtenir.
Je suis divorcé de Nathalie depuis deux ans et pourtant, elle continue son harcèlement, via mon fils. Cet été, je suis parti en vacances en Corse avec ma femme et le petit. Pour une histoire qui ne mérite même pas d’être racontée, j’ai reçu en une seule journée une cinquantaine de textos et ma femme, une trentaine. Mais je tiens bon. J’espère obtenir la garde de mon fils. Il va avoir treize ans cette année, l’âge qui donne droit à la parole devant le juge ».
*Les prénoms ont été changés
SOURCE : http://proletariatuniversel.blogspot.fr/2013/06/dossier-special-pervers-narcissique.html