J’ai été ce soir (20 octobre 2011) à une projection du film Benda Bilili ! au Studio des Ursulines, un film documentaire réalisé par Renaud Barret et Florent de la Tullaye. Cette projection était organisée dans le cadre des rencontres Cinéma et Psychanalyse organisées par le psychanalyste P. Sullivan et était suivie d’un débat avec le réalisateur Florent de la Tullaye.
Ce film nous a permis d’aborder, lors du débat qui a suivi, une question qui semble être une coutume de ces séances : le rapport du réalisateur à l’inconscient au moment où il a décidé, puis a réalisé le film. Qu’est-ce qui, en effet, nous pousse à faire tel film et pas tel autre ? Qu’est-ce qui nous pousse à traiter le sujet et à présenter le film sous tel angle et pas tel autre ?
Au départ, les réalisateurs sont venus au Congo Kinshasa pour trouver des musiciens dans le but d’enregistrer, semble t-il, de la musique locale. Ils arrivent donc là-bas, et un soir, en sortant d’un bar, ils entendent une mélopée, ou plutôt une musique aux accents bluesy. Intrigués, ils se dirigent vers le petit groupe de danseurs et découvrent un homme – handicapé – créant un rythme avec une vieille guitare munie d’une seule et unique corde restante. Le rythme les prend, et cela les intéresse d’autant que la chose est peu commune, que de voir des handicapés (malade de la poliomyélite) jouant de la musique, et avec un certain sens du groove. Le groupe, nous dit le réalisateur, les accueille avec simplicité, ce qui les surprend, et ils restent une bonne partie de la nuit avec ces musiciens.. C’est ainsi que commence l’aventure du Staff Benda Bilili !, qui va durer plus de cinq ans, et quelque part, dure encore…
Cela part donc d’une rencontre, et d’un accueil : accueillir l’étranger, et qui plus est de couleur blanche. Mais là-bas, tout le monde rêve de l’Europe… Par ailleurs, les handicapés, nous dira à un moment le réalisateur, font souvent un gros effort pour se rapprocher des personnes « normales », tandis que de l’autre côté l’effort est plus dilué.
La success story du « Staff », comme est appelé le groupe par ceux qui en font partie, me fait penser au film « Chance it » de Mohammed Kounda, qui retrace l’aventure d’un jeune noir de l’état du Mississipi, très doué lui aussi, extraordinaire même, et qui fait montre d’une certaine capacité à faire face à l’adversité. Avec sa mère, qui le motive et le coache, le jeune « Chance » (prononcer Tchènts) va travailler dur, gagnant ses premiers billets dans la rue en faisant des imitations, jusqu’à pouvoir se payer une école de Jazz… et des cours de claquettes. Destinée incroyable que Mohammed Kounda, réalisateur remarquable, a pu suivre pendant de longs mois. Ce film, lorsque je l’ai vu, m’a fait penser à la résilience, parce que cette mère et son fils vivent dans des conditions difficiles, mais le gamin, qui a quelque chose du génie, va s’en servir pour les faire sortir de la galère, même si la vie de musicien, même doué, ne soit pas rose tous les jours. Dans Benda Bilili ! , la résilience me paraît encore plus forte, parce que les conditions de vie des musiciens handicapés du Staff sont particulièrement difficiles, et que combattre la polyomyélite en même temps que la rue et la pauvreté sont des défis de chaque jour. Comment ne pas garder espoir en la vie après ces histoires de vie si dures mais en même temps si extraordinaires ?
Le réalisateur nous évoque son prochain projet de film, sur les pygmées de la seconde plus grande forêt du monde après l’Amazonie, et leur rapport avec les grands noirs, les bantous, qui font tout pour éviter l’éducation de ce peuple pygmée, afin de ne pas se laisser dépasser par la suite et de perdre leur dominance, car les pygmées sont nombreux, plus nombreux que les bantous. Les grands noirs ont ainsi comme esclaves les petits noirs… N’est-ce pas là quelque part une façon de répéter le traumatisme de l’esclavage d’une autre façon ? Tenter de savoir quel était le rapport entre pygmées et bantous avant le colonialisme et l’esclavage pourrait être une question intéressante à se poser.
[Article à suivre …]
Rédaction : Tanguy Bodin-Hullin, 20 octobre 2011