Article de Doctissimo – Mon patron est un pervers

Dans le monde de l’entreprise, les relations avec les supérieurs ne sont pas toujours roses. Parfois on tombe sur un patron pervers, tendance narcissique, voire sadique ! Comment faire face ? Les conseils de Jean-Paul Guedj, formateur en entreprise, et auteur de « La perversité à l’oeuvre » chez Larousse.

Doctissimo : Vous distinguez deux sortes de perversité, narcissique et sadique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Jean-Paul Guedj : Le pervers narcissique, c’est quelqu’un qui est systématiquement dans le déni de l’autre. Il ne va pas considérer son collaborateur. Plus exactement, il le voit comme une chose, un objet qui lui permet d’arriver à ses fins. Par exemple, il va convoquer sa secrétaire ou un employé à 18 h 30, pour parler de la stratégie à long terme, des idées pour les mois à venir, sans aucune considération pour la vie familiale, sans se soucier une seconde des réalités humaines de la personne en face de lui. Il n’a absolument aucune empathie. Mais les employés vont souvent avoir du mal à se rebeller : le pervers narcissique est souvent séducteur, intelligent et reconnu dans l’entreprise.

Doctissimo : Et le pervers sadique ?

Jean-Paul Guedj : Le pervers sadique, lui, c’est celui qui prend du plaisir à travers l’exercice de son pouvoir. Il va jouir de la souffrance de l’autre, de son humiliation. Par exemple, il va réunir les commerciaux pour faire un bilan des objectifs. Il va féliciter le premier et le deuxième qui les auront atteints. Mais il va prendre à partie le dernier, lui dire que c’est pas terrible, lui demander s’il a des problèmes personnels… Bref, il va jouir du fait de l’humilier devant les autres. Celui-ci ne va rien oser dire, car il se sentira en position de faiblesse, et les autres n’oseront pas intervenir. Et s’il répond, cela peut même plaire au pervers sadique, qui peut prendre plaisir à écraser les velléités de résistance.

Doctissimo : Quelles sont les causes de ce comportement ?

Jean-Paul Guedj : Souvent le pervers narcissique a connu une blessure dans son enfance, un problème d’image de soi. C’est pourquoi il faut aujourd’hui qu’il domine, que l’autre lui renvoie une image positive. Chez les hommes, cette volonté de puissance cache d’ailleurs souvent un problème d’impuissance. Pour le pervers sadique, c’est une recherche de plaisir, qui va se faire au travers de cette relation quasi sado-masochiste. 

Doctissimo : Les patrons pervers sont-ils courants en entreprise ?

Jean-Paul Guedj : Au sens pathologique du terme, les pervers sadiques sont assez rares en entreprise. En revanche, les pratiques perverses sont plus courantes dans les sociétés. Car l’entreprise et un haut lieu d’exercice du pouvoir. Or il n’y a qu’un pas jusqu’à l’abus de pouvoir. Un manager tout à fait normal peut ainsi se mettre à avoir des pratiques perverses, tout en n’étant pas lui-même un réel pervers. Il va se mettre à manipuler à s’acharner sur une personne.

Doctissimo : Quand peut-on parler de harcèlement moral ?

Jean-Paul Guedj : En général, le harcèlement moral c’est quand les humiliations, les brimades, se font de manière répétée, et sur un individu en particulier. Car on peut avoir des patrons qui sont colériques par nature, qui humilient ou briment les autres en permanence. Mais c’est un mode de fonctionnement général, qui ne se fixe pas sur une seule personne.

Doctissimo : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui pense être victime d’un patron pervers ?

Jean-Paul Guedj : Le premier conseil, c’est d’en parler, d’exprimer les choses à un tiers, dès que l’on a un doute sur un comportement qui est nocif pour ses propres conditions de travail, pour sa dignité. Vous pouvez vous adresser aux instances de l’entreprise, notamment au CHSCT, aux délégués du personnel ou à la DRH. Et s’il n’est pas possible de faire appel a ces instances, il faut s’adresser à quelqu’un d’extérieur, un psychologue, ou un avocat par exemple, pour faire le point.

Et si le harcèlement est confirmé, la seconde étape est de porter plainte, au pénal ou aux prud’hommes. Mais il faut toujours prendre du recul d’abord, en s’adressant à quelqu’un de neutre.

Propos recueillis par Alain Sousa, le 6 avril 2007

Source : http://www.doctissimo.fr/html/psychologie/bien_avec_les_autres/10523-perversite-sadisme-patron.htm