Jacques Lacan, Séminaire I, chapitre premier.

Nous sommes en janvier 1954. Lacan, dans cette Introduction aux commentaires sur les écrits de Freud, commence par une demande de participation, de contribution. Il demande « le maximum ». Il est d’emblée exigeant, et indique que l’implication à ce séminaire doit être partie prenante d’une « mise en cause de toute notre activité ».

(p.18) Si vous n’y venez pas pour mettre en cause toute votre activité, je ne vois pas pourquoi vous êtes ici.

Et il questionne ceux qui ne sentiraient pas le sens de cette tâche, avec l’idée sous-jacente de se détacher du groupe (de psychanalyse).

L’idée est d’aborder la méthode psychanalytique. ce qu’on appelle : « les écrits techniques » rédigés entre 1904 et 1919 par Freud. Lacan explique que cette forme d’écrit permet :

  1. La mise en garde du praticien inexpérimenté
  2. L’évitement de confusions sur la pratique de cette « méthode ».

Par ailleurs, il indique que plusieurs notions fondamentales y sont expliquées et permettent de voir le progrès de l’élaboration de la pratique :

  • la notion de résistance
  • la fonction du transfert et mode d’action ou d’intervention au cours du transfert
  • le rôle essentiel de la névrose de transfert

Lacan indique que ce groupement d’écrits a une unité, qui est celle de la pensée de Freud à ce moment-là, c’est-à-dire à une étape qu’il qualifie d’intermédiaire, par rapport à l’expérience germinale de Freud.

Pourquoi « intermédiaire » ? Parce qu’elle précède l’élaboration de la théorie structurale.

Lacan indique qu’il est erroné de penser que ces écrits tiennent leur unité du fait que Freud y parle de « technique », car Freud a toujours parlé de technique, comme par exemple dans les Etudes sur l’Hystérie, ou encore dans La science des rêves. Il se justifie sur le fait de n’avoir d’ailleurs pas choisi ce texte-là. Enfin, il cite un texte de 1934, très important sur la technique : Analyse terminable et interminable (cf. Résultats, idées, problèmes Tome II p.231).

Lacan aborde ensuite la personnalité de Freud, qui apparaît de façon surprenante, et simple, directe, franche, dans ces écrits. Il montre que Freud est en train de réfléchir sur son instrument de travail, à savoir les règles pratiques à observer.

La liberté de ton employée par Freud lors de la formalisation de ces règles techniques, est rien qu’à elle seule un enseignement en soi, dit Lacan. (Il parle par exemple de la salubrité et de l’aspect libérant de cette parole). Lacan dit alors :

(p.21) Rien qui montre mieux que la véritable question est ailleurs.

De quoi s’agit-il ici ? pouvons-nous nous demander, et quelle est cette question véritable ?

Lacan nous fait ensuite découvrir une autre face de la personnalité de Freud :

(p.21) C’est le caractère souffrant de sa personnalité, le sentiment qu’il a de la nécessité de l’autorité, […].

Il évoque la « dépréciation fondamentale » que Freud montre à l’égard des « enseignés », ceux qui l’écoutent, et le suivent. (ce terme d’écoute n’est pas choisi au hasard).

Il dit même :

(p.21) Je crois même, vous le verrez, qu’on trouve chez lui une dépréciation toute particulière de la matière humaine [du] monde contemporain

Cette observation permet à Lacan d’expliquer pourquoi Freud s’est placé en position d’autorité ; il croyait assurer ainsi l’avenir de l’analyse. Ceci explique aussi le côté impératif

(p.22) [..] impératif dans la façon dont il a laissé s’organiser autour de lui la transmission de son enseignement.

Lacan abrège ensuite cet « aperçu sur l’aspect historique de l’ACTION et de la PRESENCE de Freud » (de ce qui peut nous être révélé au travers de cette lecture de Freud), et dit qu’on ne va pas se limiter à cela, parce que cela serait inopérant ! Il revient alors à la question principale :

(p.22) Qu’est-ce que nous faisons quand nous faisons de l’analyse ?

et décide de partir de l’actualité de la technique analytique, à savoir ce qui se dit, ce qui se pense, ce qui se conçoit, et ce qui se pratique. Il qualifie cette actualité de la technique, en parlant de « confusion la plus radicale », car les idées des uns et des autres sont variées, et qu’il n’y a pas d’idées identiques, pas d’unité, et même indique t-il, si nous comparions les conceptions les plus extrêmes des uns aux conceptions les plus extrêmes des autres, nous aboutirions à des « formulations rigoureusement contradictoires » (p.22-23) . Chacun, dans ce méli-mélo très sérieux sur les résultats thérapeutiques et les procédés thérapeutiques, se contente de se raccrocher de façon parcellaire à la théorie de Freud, et c’est cela qui fait office de fil rouge, un fil rouge en bien mauvais état, mais qui a le mérite d’exister cependant.

On pourrait dire que ce fil rouge théorico-clinique freudien se situe toujours au sein d’un rapport inter-humain, qui s’appelle la psychanalyse, nous dit Lacan :

(p.23) C’est par l’intermédiaire du langage freudien qu’un échange est maintenu entre des praticiens qui se font manifestement des conceptions assez différentes de leur action thérapeutique, et, qui plus est, de la forme générale de ce rapport inter-humain qui s’appelle la psychanalyse.

Les doctrines modernes se sont engagées à élaborer la notion du rapport de l’analyste et de l’analysé. Lacan cite BALINT, qui utilise un terme emprunté à RICKMAN (qu’il semble intéressant de lire au vu de ce qu’en dit Lacan, à savoir :

(p.23) Rickman, une des rares personnes qui ait eu un petit peu d’originalité théorique dans le milieu des analystes depuis la mort de Freud

Le terme formulé par RICKMAN est celui d’une two-bodie’s psychology, formule autour de laquelle on peut regrouper les études sur :

  • la relation d’objet
  • l’importance du contre-transfert
  • un certain nombre de termes parmi lesquels le fantasme est au premier plan, ceci incluant l’inter-réaction imaginaire entre l’analysé et l’analyste.

Cette voie choisie et empruntée, la two-bodie’s psychology permet-elle de bien situer les problèmes ? Bonne question… à laquelle Lacan répond : d’un côté oui, d’un côté non !!! Il est donc nécessaire d’aller au delà de cette voie, et d’en explorer d’autres.

(p.24) Est-ce assez de dire qu’il s’agit d’un rapport entre deux individus ?

nous demande Lacan, qui évoque immédiatement des « impasses actuelles » sur la théorisation de la technique. Lacan nous indique à ce moment-là qu’il ne peut nous en dire plus pour le moment, mais il évoque quand même la question de la tiercéité, pour laquelle il laisse entendre qu’il l’a déjà abordée au cours de son séminaire. Il donne alors une indication cruciale sur cette tiercéité : Entre les deux humains, il y a la parole, et cette parole doit être prise comme point central de perspective. Cette parole EST le TIERS.

Ainsi, l’expérience analytique doit se formuler dans un rapport à trois, triadique, et non une relation à deux.

Cependant, il ne s’agit pas de tout exprimer sous le sceau de ce rapport à trois, car nous dit Lacan :

(p.24) Cela ne veut pas dire qu’on ne puisse pas en exprimer des fragments, des morceaux, des pans importants dans un autre registre.

Il nous indique ensuite qu’il y a plusieurs façons de choisir deux éléments dans cette triade, car il y a trois relations dyadiques !!

Il nous dit ensuite pour finir que :

(p.24) Ce sera (vous le verrez) une façon pratique de classer un certain nombre d’élaborations théoriques qui sont données [(il ne dit pas qui sont « faites »)] de la technique.

Puis, il part sur une voie plus concrète, nous dit-il, en évoquant l’expérience germinale de Freud, à savoir la reconstitution de l’histoire du sujet.

Evoquant les leçon tenues au trimestre précédent, il dit que Freud part à chaque fois, pour chaque cas, du singulier du sujet.

(p.25) Le progrès de Freud, sa découverte, est dans la façon de prendre un cas dans sa singularité.

PRENDRE LE CAS DANS SA SINGULARITE, c’est-à-dire ? nous questionne Lacan, qui nous donne rapidement la réponse : l’élément essentiel, constitutif, structural du progrès analytique est la reconstitution complète de l’histoire du sujet.

(p.25) […] c’est la reconstitution complète de l’histoire du sujet qui est l’élément essentiel, constitutif, structural, du progrès analytique.

Si on se place du point de vue de Freud, et qu’on le dit autrement, cela signifie que :

(p.25) l’intérêt, le fondement, la dimension propre de l’analyse est la réintégration par le sujet de son histoire jusqu’à ses dernières limites sensibles, c’est-à-dire jusqu’à une dimension qui dépasse de beaucoup les limites individuelles.

On peut se demander ici ce que signifie « limites sensibles ». Pour moi, ce sont les choses que le sujet peut sentir, ce dont il peut soutirer de sa propre histoire, de son corps, de ses souvenirs. Ce qu’il peut extraire de lui-même.

Lacan nous indique que la dimension de « réintégration par le sujet de son histoire » se révèle dans les textes de Freud grâce à l’accent mis par Freud dans chaque cas sur des points essentiels à conquérir par la technique. Et il nous met en garde ici : cet accent mis par Freud n’est pas seulement un accent mis sur le passé, comme on pourrait le penser au premier abord, car l’histoire n’est pas le passé : l’histoire est le vécu passé historisé dans le présent. Et cette historisation n’existe que parce qu’il y a présence d’un vécu passé.

Ceci, à mon sens, pose d’ailleurs la question des êtres confrontés à une absence de vécu passé, un vide de vécu passé, un blanc, qui ne permet donc pas une historisation.

Lacan évoque l’article de Freud : Constructions dans l’analyse (Konstruktionen in der Analyse, 1934), où Freud parle de ce problème qu’est l’histoire du sujet.

Puis il nous dit que :

(p.25) le chemin de la restitution de l’histoire du sujet prend la forme d’une recherche de la restitution du passé. Cette restitution est à considérer comme le point de mire visé par les voies de la technique.

Selon Lacan, la restitution du passé est restée jusqu’à la fin au premier plan des préoccupations de Freud, même lorsqu’il développe le point de vue structurel avec la notion des trois instances, et en disant cela Lacan nous évoque même une quatrième instance, laquelle ? Est-ce le temps ???

(p.26) Sur la restitution du passé, Freud met et remet toujours l’accent, même lorsque, avec la notion des trois instances – vous verrez qu’on peut même dire quatre –  il donne au point de vue structurel un développement considérable, favorisant par là une certaine orientation qui va de plus en plus à se centrer sur la relation analytique dans le présent, sur la séance dans son actualité même, entre les quatre murs de l’analyse.

Ce que j’en comprend, c’est que le point de vue structurel se centre sur la relation analytique de l’ici et maintenant, sur la séance dans son actualité même.

Ce qu’il faut par ailleurs bien retenir ici, c’est que le thème de la restitution du passé est un thème PIVOT. Et Lacan donne l’exemple du fameux cas de l’Homme aux Loups, un patient de Freud. La question qui se pose pour l’analyste est donc : quelle est la valeur de ce qui est reconstruit du passé du sujet ?

Il faut bien comprendre, comme Freud l’a compris, que « le fait que le sujet se remémore les évènements formateurs de son existence, n’est pas en soi-même le plus important : ce qui compte, c’est ce qu’il en reconstruit ». (p.27)

Lacan donne l’exemple des rêves, qui sont une façon de se souvenir avec une reconstruction. Idem pour les souvenirs-écrans ; ils sont un représentant satisfaisant, une reconstruction. SATISFAISANT ? oui, parce que si on les élabore, alors ils nous donnent l’équivalent de ce que nous cherchons.

L’analyse est donc une lecture qualifiée, expérimentée d’un cryptogramme exprimé verbalement et émotionnellement par le sujet. Ce cryptogramme est ce que le sujet possède actuellement dans sa conscience, à propos de lui-même, mais aussi de tout, c’est-à-dire l’ensemble de son système. L’analyse est donc une sorte de prisme, au travers duquel on va pouvoir lire. Quelle est la place ici des souvenirs-écrans ? Du lien avec le fantasme ?

Lacan appelle cette face des choses la « face de la reviviscence ». Ceci me fait penser à la catharsis.

Lacan nous dit que lors de la restitution du passé (qui permet la restitution de l’intégralité du sujet), l’accent porte toujours plus sur la face de la reconstruction que sur la face de la reviviscence.

Le revécu exact n’est pas l’essentiel, indique Freud de façon formelle : l’essentiel est la RECONSTRUCTION. Lacan met l’accent sur cet essentiel indiqué par Freud, en disant :

(p.27-28) Il y a là quelque chose de tout-à-fait remarquable, et qui serait paradoxal, si pour y accéder, nous n’avions la perception du sens que cela peut prendre dans le registre de la parole.

En quoi le fait que l’essentiel soit la reconstruction serait paradoxal ? peut-on se demander.

[Suite de l’article à venir…]

Rédaction : Tanguy Bodin-Hullin, 23 octobre 2012
Référence : J. Lacan, Les écrits techniques de Freud, Seuil, collection Points Essais (texte établi par Jacques-Alain Miller)

Mais qu’est-ce donc qu’ « être lacanien » ?

Il y a deux jours, en lisant un article, je suis tombé sur le mot « lacanien », et j’ai commencé à me demander ce que cela pouvait bien vouloir dire. Je me suis dit : « tiens, puisque :

  • mon blog va parler de psychologie et de psychanalyse,
  • et que récemment je me suis mis à lire « Pour lire Jacques Lacan » de Philippe Julien, que je n’ai pas encore terminé, mais qui commence à m’éclairer sur certains concepts lacaniens
  • et que c’est le trentenaire du décès de Lacan (paix à son âme)
  • et qu’il y a deux semaines j’ai été à une conférence à la BNF où Elisabeth Roudinesco, psychanalyste (qu’Onfray mais aussi beaucoup d’autres, comme Nathalie Jaudel, semblent ne pas apprécier) discutait avec le philosophe Alain Badiou (qui a bien connu Lacan) à l’occasion d’un Hommage à Lacan.
alors ce serait peut-être une bonne idée de se mettre à réfléchir un peu sur ce que c’est que d’être lacanien …

Je lisais ce soir sur le site du Monde un article de Michel Onfray qui s’intitule : « Avec Hollande, les vaches seront bien gardées !« .

Dans cet article, je remarque qu’à un moment, M. Onfray écrit :

« Reste la constellation de la gauche libérale qui a ma faveur – mais qui désespère par son ardeur à refuser toute union. Olivier Besancenot a jeté l’éponge du NPA finalement trotskiste au profit de Philippe Poutou – si j’étais lacanien, ce qu’à Dieu ne plaise… »

Nous apprenons donc ici que Michel Onfray n’est pas lacanien, et de mon côté je constate surtout que je ne comprends rien à sa phrase, Dieu me pardonne… (Qui est Philippe Poutou au fait ? Google m’indique qu’il s’agit du candidat du NPA à l’élection présidentielle de 2012), mais cela ne m’explique toujours pas le sens de la phrase d’Onfray.

[Article à suivre…]

[jeudi 20 octobre 2011]

Je trouve ceci sur un post dans un forum du site Doctissimo :

Je ne suis pas « lacanien » et il faut bien reconnaître que certains psychanalystes qui se disent « lacaniens » pratiquent encore « les séances courtes » (quelques minutes : 4, 5, …10 minutes) pour, soit-disant « heurter » l’analysant et le faire réagir (violemment), ce qui apportera du matériau pour la prochaine séance… Parmi ceux-là, il m’apparaît clairement que certains sont, sciemment ou non, en position de « disciples », prêt à reproduire « à la lettre », les pratiques du Maître, sauf qu’il s’agit là de pratiques tout à fait contestables (de mon point de vue), et que pour faire court, le Lacan de la fin (dans les 10/15 dernières années de sa vie) s’est égaré et que ce n’est certainement pas le plus « intéressant » (pour la pratique analytique) à retenir et encore moins à reproduire.

Et je me pose plusieurs questions : est-ce que Lacan a vraiment dit qu’il fallait pratiquer les séances courtes pour heurter l’analysant ? D’autre part, est-ce que Lacan, dans les 10-15 dernières années de sa vie, s’est véritablement égaré ? Je doute de ces affirmations… il va falloir chercher les réponses…

[dimanche 6 novembre 2011]

Aujourd’hui, une personne me dit qu’elle « n’est pas très lacanienne », du coup j’ai tapé « être lacanien » sur Google pour voir si mon article était visible, et bien sûr je suis tombé sur autre chose qui est fort intéressant : un petit texte de Jean Allouch qui s’intitule : « être lacanien » (texte écrit à la demande de Sarah Chiche, publié par elle,  septembre 2010). Le voici, pour votre plus grand plaisir :

« C’est quoi, pour vous, être lacanien aujourd’hui ? » demandez-vous. Mais non, je ne le suis pas ! « Lacanien » n’est en rien une caractéristique de mon être. Lequel être, d’ailleurs, ne tolère aucune détermination de cet ordre. Je n’ai pas non plus élu Jacques Lacan comme quelqu’un de qui j’attends qu’il me fournisse une éthique, qu’il me dise comment vivre, désirer, aimer, mourir. En dépit de quelques efforts qu’il a pu faire en ce sens, je n’ai pas fait de lui mon maître spirituel. Mon analyste, oui. Pourtant, il y eut, il y a plus… Car oui, je suis actif au sein d’une école lacanienne (170 membres à ce jour), la toute première à se vouloir telle et la seule, aujourd’hui encore, à savoir et à dire pourquoi. Une école (non pas un groupe, une association, un cercle, etc.) n’a de projet, de politique, qu’à partir de la reconnaissance qu’un certain savoir (et ses conséquences sur l’exercice analytique) n’a pas reçu l’assentiment de la communauté à laquelle, en tout premier lieu, il était destiné. On s’emploie alors à ce que ce savoir conquière l’assentiment des esprits, voire oriente les pratiques. Il peut être résumé en trois termes : réel, symbolique, imaginaire.
Revisiter l’ensemble des questions analytiques à partir de cette ternarité, à cela précisément Lacan s’est employé. C’était déplacer Freud, chez qui domine le conflit, une pensée « en deux », non pas « en trois ». C’était aussi mettre en acte le fait que Freud et Lacan ne se mêlent guère plus que l’huile et l’eau.
Un second enjeu prescrit l’école : ladite « didactique ». Dès lors que l’on admet que le psychanalyste est une tombe, qu’il ne saurait en rien parler à quiconque d’une analyse sauf à intervenir sauvagement dans le transfert (cela, alors même que cette analyse est prétendument terminée et sous le prétexte fallacieux d’une communication savante, médicale en fait, quand ce n’est pas sur l’oreiller), il ne peut revenir qu’à l’analysant de faire état de son analyse en tant que didactique. Or accueillir et, le cas échéant, entériner ce témoignage n’est possible qu’au sein d’une école. Vous dire pourquoi et quelles conditions sont ici requises, cela ne se peut en quelques mots.

Être lacanien aujourd’hui c’est ne pas négliger ou ne pas maltraiter le passage de l’analysant à l’analyste ; c’est instaurer un rapport critique à l’enseignement de Jacques Lacan tel qu’aucun de ses propos n’est reçu comme allant de soi parce que venant de lui ; c’est, enfin, ainsi que le manifestent ces deux premières caractéristiques, n’être pas lacanien mais avoir trouvé un point d’extériorité au regard du frayage de Lacan tel que ce frayage puisse être reçu comme le moins impropre à l’accueil de ce qui ne peut encore que s’appeler folie.

A propos des mineurs chiliens – un constat psychologique

Aujourd’hui 14 octobre 2011, sur mon trajet pour aller au travail, un article du journal Métro (14/11/2011, page 09) m’interpelle. L’invitation à lire l’article (ce machin doit porter un nom mais je ne le connais pas), située en première page, indique : « Un an après, les mineurs chiliens broient du noir. Le 13 octobre 2010, le monde entier assistait au sauvetage des « 33 », piégés au fond d’une mine [mine d’or et d’argent de San José, dans la région d’Atacama, effondrée le 5 août 2012, NDLR]. Aujourd’hui, ils se sentent abandonnés ».

Que dire sur cet épisode de survie ? Qu’ont pu vivre ces mineurs ?

Ma première réflexion est que ces mineurs revivent le traumatisme de la perte de contact avec l’extérieur (d’une durée de 69 jours), sous la forme de ce qu’ils considèrent aujourd’hui comme une forme d’abandon.

En effet, dans la réalité, ils n’ont PAS été « abandonnés », mais ils étaient seulement « inaccessibles » de la part du monde extérieur, et c’est là que se situe l’intérêt, pour moi, d’approfondir un peu ce sentiment d’abandon.

N’est-il pas ici question d’un abandon imaginaire, au sens lacanien du terme ?

L’article nous permet d’approfondir cette question, et pointe notamment la question de la résilience, une notion désormais connue en psychologie, notamment grâce à  Boris Cyrulnik (éthologue, psychanalyste, psychologue, neuropsychiatre et écrivain).

Plusieurs choses sont intéressantes à ce niveau. Tout d’abord, l’article souligne : « Pour nombre d’entre eux, la situation est pire maintenant qu’avant le drame ». Comment pourrait-on en douter ? On ne sort pas indemne d’une telle expérience traumatisante d’enfermement inattendu. Par ailleurs, l’article donne quelques indications de la situation psychologique actuelle de ces mineurs : « Beaucoup sont toujours suivis médicalement, notamment pour troubles psychologiques et insomnies. Certains sont tombés dans l’alcoolisme ».

 

Le 5 août 2013, un nouvel article paru dans la version en ligne du journal Le Monde interpelle à nouveau : cet article s’intitule : « Au Chili, les 33 mineurs d’Atacama se disent « enterrés une seconde fois ».

L’article indique ceci :

Trois ans tout juste après l’éboulement qui avait bloqué 33 mineurs pendant soixante-neuf jours au fond de la mine d’or et d’argent de San José, dans la région d’Atacama, la décision de la justice chilienne de classer la plainte contre les propriétaires du site a provoqué surprise et indignation à Santiago.

« Ils m’ont enterré une seconde fois ! s’est écrié un des mineurs, Mario Sepulveda, la voix brisée par la colère. C’est une honte pour le système judiciaire chilien. » « Beaucoup pensent que nous sommes bêtes. Nous ne le sommes pas, mais nous sommes pauvres », a ajouté celui que ses compagnons de captivité avaient surnommé « Super Mario » en raison de son calme et de sa bonne humeur.

« Il a été décidé de ne pas continuer l’instruction car il n’y a pas d’éléments pour soutenir une quelconque accusation », avait annoncé, le 1er août, le procureur d’Atacama, Hector Mella Farias.

Ainsi, le traumatisme initial des mineurs est réactivé par une absence de prise en compte judiciaire de leur plainte, ce qui entraîne l’un des mineurs à dire qu’il a été enterré une seconde fois … que dire de cette absence de reconnaissance judiciaire ? On peut se dire qu’elle ne permet pas la résilience du traumatisme.

Introduction à Jacques Lacan

Il est question ici de se former à Jacques Lacan, en essayant de clarifier et de faire nôtre son enseignement. Comment faire ? J’ai commencé par m’acheter divers ouvrages de psychanalyse, que je n’ai bien sûr pas encore tous lus.

En voici une petite sélection :

  • Jullien P., Pour lire Jacques Lacan. Le retour à Freud, Points Essais.
  • Dethy Michel, Introduction à la psychanalyse de Lacan, Chronique sociale, 7ème édition.
  • Nasio J.-D., Cinq leçons sur la théorie de Jacques Lacan, Payot, coll PBP 203.
Il va ensuite s’agir de lire, comprendre, intégrer, et représenter le plus clairement possible ce que j’aurai compris… Et comme je vais prendre mon temps et évidemment avancer à pas de tortue, autant dire qu’il ne faudra pas être pressé… mais ce qui compte, ce n’est pas d’être le premier, mais d’avancer. 😉
Ces trois ouvrages sont structurés différemment :
Celui de Nasio propose cinq grandes leçons, plus une conférence :
  1. Première leçon : l’inconscient et la jouissance
  2. Deuxième leçon : l’existence de l’inconscient
  3. Troisième leçon : le concept d’Objet (petit) a
  4. Quatrième leçon : le fantasme
  5. Cinquième leçon : le corps
  6. + Conférence : Le concept de sujet de l’inconscient
Celui du psychanalyste Philippe Jullien est structuré selon un plan en cinq parties, dont chacune contient trois chapitres, plus une conclusion finale générale. Je vais me contenter pour le moment de reprendre ces cinq parties :
  1. Première partie : L’ombre de Freud
  2. Deuxième partie : Un retour à Freud
  3. Troisième partie : Le transfert
  4. Quatrième partie : Vers le réel
  5. Cinquième partie : Un autre imaginaire
Celui de Michel Dethy est structuré en quatre grands chapitres plus ou moins longs, chacun contenant entre trois et huit sous-parties indépendantes structurées un peu comme des minis articles :
  1. Chapitre 1 : Lacan étudie la psychose
  2. Chapitre 2 : Les concepts fondamentaux de la psychanalyse
  3. Chapitre 3 : Le séminaire de Lacan sur la technique de Freud
  4. Chapitre 4 : La psychanalyse au-delà de la psychologie
Nous constatons d’emblée que les démarches ne sont pas exactement les mêmes :
  • Nasio semble se focaliser directement sur de grands concepts
  • Jullien reprend le Lacan des débuts (« non-freudien ») et le Lacan proche de Freud (« freudien »), puis part sur deux des entités du fameux noeud borroméen : le réel et l’imaginaire (pourquoi pas le symbolique ?), en passant par la dynamique du transfert (Troisième partie).
  • Dethy crée quatre grands axes de réflexion :
    • le premier qui se situe autour de Lacan et de la psychose, ce qui crée un pendant de l’axe de recherche freudien orienté autour de la névrose.
    • le second qui reprend ce qu’est la psychanalyse au sens large : l’inconscient, l’évolution de la psychanalyse au travers du retour de Lacan à Freud, et la technique psychanalytique.
    • le troisième qui reprend le séminaire de Lacan intitulé : « Les écrits techniques de Freud »
    • le quatrième enfin, qui aborde une « nouvelle approche du désir », le transfert, et l’amour et la haine.
A partir de là, que penser de ces trois démarches ? Il me semble que le livre de Dethy est plus généraliste et grand public, tandis que celui de Jullien est beaucoup plus érudit dans son propos, mais probablement aussi plus approfondi. Quand à celui de Nasio, il est très focalisé sur des notions techniques mais a sans doute l’intérêt d’être didactique sur ces notions.
Maintenant que j’ai rédigé cette analyse un peu grossière et tirée de la simple observation, sans avoir lu ces ouvrages, il est intéressant de créer notre propre parcours de réflexion, de façon à tenter de progresser rapidement. Il me semble que des notions reviennent qu’il serait bon d’approfondir :
  • Le stade du miroir
    • Dethy : chap. 1
    • Jullien : Partie 1, ch.2
  • La paranoïa
    •  Jullien : Partie 1, chap. 3
  • L’imaginaire, le symbolique, et le réel
    • (Dethy : chap.3, article 2 )
    • imaginaire
      • Jullien, Partie 5
    • symbolique
      • Jullien, partie 2, chap 2. + p.66
    • réel
      • Jullien, partie 4
  • L’idéal du Moi et le Moi idéal
    • Dethy : chap.3, article 4
    • Jullien : Partie 2 ch.1 (p.69-70)
  • Le désir
    • Dethy : chap.4, article 1
    • Jullien :
  • La jouissance
    •  Nasio, Première leçon
  • L’objet a
    • Nasio, Troisième leçon
  • La chose lacanienne
    • Jullien : Partie 2, chap. 1
  • Le transfert :
    • Jullien : Partie 3
    • Dethy, ch.4, article 2)

PLAN :

  • Chapitre 1 : quelques concepts fondamentaux
  • Chapitre 2 : [à écrire]

1 – Quelques concepts fondamentaux :

  • Le stade du miroir
  • L’imaginaire, le réel, et le symbolique
[A suivre…]